Un jour parmi tant d’autres, et que tout le monde aille se faire foutre

14 : 48

Il reste un mois et vingt-quatre jours avant la fin du compte à rebours. Je m’étais donné cinq mois : déjà trois sont partis et je n’ai pas avancé d’un pouce. Où est la solution ? Je ne sais pas. J’ai décidé que je n’avais plus d’amis car les amis c’est de la merde.

14 / 11 / 2011

14 : 15

Une note pour mon monstre personnel. Voilà longtemps que je n’osais venir le nourrir. Il risquait de dépérir et de mourir. Comme moi.

Je me suis posé beaucoup de questions. J’ai trouvé peu de réponses. « Pourquoi ? », me suis-je dit. Stephen, au fond de ma tête, à dit : « Parce qu’il n’en a jamais rien eu à foutre ». Oh non, Steve, oh non, c’est trop cruel. Mais je l’ai toujours su, n’est-ce pas ? Que ça finirait ainsi. Que fait-on d’une souris de laboratoire ? On l’utilise jusqu’à ce qu’elle meure. Que fait-elle si on la relâche dans la nature ? Elle ne s’adapte pas et meurt. Il n’y a pas d’issue.

Que dois-je faire ? Je refuse. De ne plus lui parler. De ne plus jamais le revoir. Je refuse. Cheval noir ou pas, ma tête n’est pas encore brisée. Et je m’en veux, je m’en veux. Si j’avais osé lui dire « ne me parle pas, pas cette fois, je ne le supporterais pas », il serait encore là. Je m’en veux. Je ne suis qu’un incapable. Incapable d’être intelligent, ou d’être quelqu’un de bien. Incapable de garder celui que j’aime le plus au monde. Je suis stupide, égoïste, mauvais, et je me déteste par-dessus tout.

Malgré tout ça, je suis encore rassuré rien qu’à la vision de son prénom.

Marc. Marc. Marc. Marc. Marc. Marc.

Je peux l’écrire ainsi à l’infini. Mais Marc n’est pas là. Il y a des traces qui ne partiront pas. Quand je les vois, je pense à lui. Ça me donne envie de chialer. Si je pouvais encore, comme un enfant, le faire sans gêne, je pleurerais sans cesse. En fait, la vraie question n’est pas « Pourquoi est-il parti ? » mais « Pourquoi ai-je agi ainsi ? ». Car la première réponse est facile à trouver : « Parce que je l’emmerde ». La question est donc : « Pourquoi l’emmerdais-je ? ». Et cette réponse-là est bien compliquée. En attendant de la trouver, je rassure Stephen. Si jamais tout cela l’a intéressé, je suis sûre à présent qu’il n’en a plus rien à foutre. Le pire, en fait, ce n’est pas de souffrir ; c’est de savoir que Marc s’en fiche éperdument.

Ca me rend fou. Quand j’y pense, ça me donne envie de hurler.

14 : 41

J’ai froid à l’intérieur. Je me fiche du monde. Je voudrais qu’ils sachent tous. Je voudrais tout leur hurler. Personne. Il n’y a personne pour écouter ; personne pour comprendre. Personne sauf cette feuille de papier.

14 : 43

Tout au fond du couloir sombre, dans une de ces pièces closes, une chose à la forme humaine hurle.

« Ce n’est plus humain désormais, dit le docteur. Tout ce qui était dedans est mort. »

« Pourquoi ? », demande l’autre.

« Je ne peux pas le dire avec certitude. Il y avait un homme ; il est parti ; c’est devenu fou. »

Message. Pour M.

Je ne sais pas du tout par où je devrais commencer. En fait ce n’est pas comme si j’avais un commencement et une fin dans mes propos. Pendant que j’écris ça, je pense que tu ne le liras jamais, que tu vas le supprimer dès que tu le verras, que tu t’en fous, de toute manière, que… J’ai envie de vomir et de m’enfuir. C’est un peu comme les fois où j’arrive en retard en cours, je suis là, devant la porte, comme un imbécile, et je ne veux pas frapper, je ne veux pas frapper parce que j’ai tellement peur que la classe me regarde et qu’ils pensent quelque chose, n’importe quoi, j’ai trop peur des gens à l’intérieur. Alors je reste là, à trembler vaguement, et je me dis que je peux toujours rebrousser chemin, ressortir par la cour, m’enfuir du lycée, aller dans la gare qui est deux rues plus bas, monter dans un train, n’importe lequel, pour n’importe où, même si j’ai pas de billets, on s’en fout, je pourrais aller trouver un endroit quelconque où je n’aurais pas besoin de frapper à la porte et …

Un. Deux. Trois. Je frappe… pas. Je recommence. Un. Deux. Trois. Je frappe et la porte s’ouvre.

Toujours là ? Alors peut-être que tu as l’intention de lire ça jusqu’au bout. Ca serait bien. Ouais, ça serait bien. Peut-être que tu t’en fous. Peut-être que c’est amusant, j’en sais rien, j’ai jamais réfléchi à ça, j’essaierais, un jour… Et puis en fait non. Ca n’est pas drôle, ça je le sais. J’ai envie de vomir. Très envie de vomir. Je suis malade, mais ce qui me rend malade c’est mon angoisse, comme d’habitude. Je pense que quand tu vas lire ça tu vas encore plus me haïr. Je pense que ce n’est pas la peine, je peux encore rebrousser chemin, ressortir de l’appartement, prendre un tramway, aller jusqu’à la gare quelques arrêts plus loin, sauter sous un train, n’importe lequel, pour n’importe où, même si ce n’était pas ce que j’attendais, on s’en fout, je pourrais aller trouver un endroit quelconque où tu ne me détesterais pas et…

Un. Deux. Trois. Je continue d’écrire.

J’avoue qu’à l’instant exact où K.  m’a dit que tu m’avais définitivement supprimé, je n’y ai pas cru. Pas cru du tout ( c’est une blague une erreur j’ai mal lu c’est une erreur d’expression un rêve non un cauchemar allons ça ne peut pas être réel ça ne peut pas être réel c’est faux tout est faux c’est une blague une mauvaise blague une erreur j’ai mal lu je vire cinglée oh mon dieu qu’est-ce que je vais faire qu’est-ce que je vais faire ). Ensuite j’ai décidé qu’il fallait faire quelque chose. Je pouvais me pendre, me mettre la tête dans un sac, me jeter par la fenêtre, ouvrir l’armoire à médicaments, courir vers la gare… J’ai rien fait et je le regrette. J’ai rien fait sauf prendre la lame de cutter qui était posée sur le bureau et commencer le dessus de mon bras.

Un. Deux. Trois. Je continue d’écrire.

La sensation que tout était irréel est partie avec la douleur et l’endorphine. Je me sentais d’excellente humeur. Ouais, je me sentais comme un dessin nouvellement dessiné sur une feuille immaculée. Un dessin sans émotion, sans vie, fièrement exposé là avec un grand sourire et un vide profond. J’étais juste vide. Juste vide. Tout a disparu à ce moment là et je me suis allongé sur mon lit comme ça je pouvais chialer sans qu’on me dérange.

Un. Deux. Trois…

Ensuite les jours ont passé. Il a fait gris. Non, je veux dire, il a fait gris à l’intérieur, parce que le ciel était assez beau. Mais de toute façon il faisait gris tout les jours, tout le temps. June était sympa, Sarah aussi, leurs amies étaient gentilles. Du café, je sens encore l’odeur du café pendant que je tape sur mon ordi, et pourtant, il n’y a jamais eu de café dans cette chambre. Mais j’ai bu plein de café et toute la journée je restais là, hystérique et pseudo-fou de joie. « Comme d’habitude, il est égal à lui-même : joyeux, toujours le mot pour rire, toujours là pour remonter le moral. » Nous te connaissons si bien. J’avais tellement envie de courir vers la gare.

Un. Deux. Trois.

Ensuite tout s’est effondré. Les mots n’avaient plus de sens. Plus aucun. Seuls ceux qui tu avait un jour tapé valaient encore quelque chose. Je me les rappelais et je pleurais. Je pleure toujours. Ma mère disait il y a quelques années que je ne pleurais jamais et qu’il fallait vraiment que j’ai très mal pour pleurer. Il faut croire que j’ai vraiment très mal. Depuis des semaines, tous les soirs je ne fais que chialer.

Un. Deux. Trois.

So many things I wanted to say, but we never had the time

Picturing those memories I have

Don’t act like you still are as cold as ice.

I think I’ll wait till tomorrow

To drown my sorrow

I’m really feeling down, it’s over

My world is turning

So these words mean nothing

All that I need for now

Are your arms…

(Extrait de conversation MSN)

je dis:

22:42:49
Bon.
22:44:34
J’avais 7 ans quand j’ai sauté une classe et autant que je me souvienne toute la merde qui m’est arrivée dans ma vie a commencé à partir du moment où je suis entrée dans ma nouvelle classe en plein milieu de l’année. Je me suis assise à côté d’une fille qui avait l’air sympa. Je lui ai dit bonjour et elle m’a regardé comme si elle voyait un truc nuisible et répugnant assis à côté d’elle. A partir de ce moment-là, j’ai su que c’était foutu.
22:45:20
Tout le reste de l’année, personne ne s’est intéressé à moi. Les gens ne m’aimaient pas et je mangeais tout seul tout le temps. Sans cesse, je me faisais insulter, j’étais le bouc émissaire des autres et tout le monde se moquait de moi.
22:47:19
Les gens me trouvaient bizarre, parce que je ne faisais que lire des livres et que je ne jouais pas avec des amis, mais au fond, c’était eux qui m’avait rendu comme ça, et plus ils me détestaient, plus je les haïssait. Quand je disais à ma mère ce que me disaient les autres, elle criait et disait que c’était moi qui était mauvais avec eux et que tout était de ma faute. Depuis cette époque, elle n’a jamais cessé de répéter que j’étais lâche et que je mettais toujours mes fautes sur le dos des autres.
22:49:38
J’ai passé quatre ans de ma vie sans le moindre ami, sans personne, et entre mes 9 et 10 ans j’avais trois tentatives de suicide en compte, parce que voilà, ça ne valait pas le coup de continuer toutes ces conneries. Dès qu’il y avait le moindre petit problème, je fondais en larmes. Et puis au bout d’un moment, j’ai arrêté de pleurer, parce que ça n’avait jamais servi à rien. Ma mère était très fière de dire que j’étais psychologiquement très fort et qu’il fallait vraiment que je me fasse très mal pour que je pleure. Mais au fond, tous les soirs, je passais une demi-heure ou une heure à chialer dans mon lit, parce que voilà, c’était comme ça.
22:50:22
Je suis entré au collège alors que j’avais 9 ans et au début, les ennuis ont redoublé, parce qu’il y avait encore plus de gens en train de me détester. Et puis j’ai rencontré Floriane.
22:51:35
Elle était gentille, elle était drôle, et elle ne disait pas que j’avais une maladie rare et qu’il ne fallait surtout pas s’approcher de moi. Alors je l’adorais, et on s’adorait tout les deux. Elle, c’était son père avait qui ça allait pas, moi ma mère, on se moquait d’eux en secret, c’était génial, j’avais une amie.
22:53:17
Après, Bénédicte et Alexandra sont venues, et au départ ça a été encore mieux, puis ça a été moins bien. Très vite, Béné et Alex ont plus arrêté de se disputer et moi et Flo devions sans cesse les raccommoder. Alexandra avait très mauvaise réputation dans le collège et on en souffrait tous. Quand j’allais mal, personne ne m’écoutait, car le seul vrai défaut de Floriane, c’est qu’au lieu de remonter le moral, elle changeait de sujet. Elle n’était pas très douée à ce niveau-là.
22:55:41
Et puis ma mère a reçu sa mutation pour un poste dans la région parisienne. Tout avait l’air parfait : le domicile était immense, situé dans un vieux château, le lieu accueillant, ma soeur venait avec nous, j’allais être éloignée de cette belle-mère qui ne me supportait pas, j’avais une chance de renouer avec ma mère – le conflit n’était pas aussi étendu qu’aujourd’hui. Ca avait l’air tellement bien, et au fond, ça aurait pu marcher, mais ça n’a pas marché. J’ai dit au revoir à Floriane et à mes amies et je suis parti avec ma mère.
22:57:20
A Conflans, la ville où nous étions partis, le rêve ne s’est pas réalisé. Au collège, j’avais certes quelques amis, mais finalement, aucun d’entre eux ne m’intéressaient vraiment, c’était plutôt histoire de ne pas être tout seul. Chez moi, l’athmosphère était atroce. Je me sentais étouffer, l’idée du suicide était comme omniprésente, une sorte de chose qui me suivait partout pour me conseiller de crever. J’en rêvais sans parvenir à le faire.
22:58:00
Et au milieu de tout ça, j’avais un petit ordinateur portable, celui sur lequel j’écris en ce moment, et dessus j’avais internet, et dans internet il y avait un foutu forum de RP qui m’a sauvé la vie.
22:59:12
Sur ce forum, il y avait une communauté, je pouvais parler et presque tout le temps les gens m’écoutaient. C’était comme d’avoir des amis. J’écrivais depuis le bord de la fenêtre en faisant semblant d’aller très bien et au fond, rien n’allait bien, mais c’était pas bien important : j’avais l’impression d’avoir des amis.
23:00:08
Dessus, il y avait un type qui s’appellait « SilverWolf » et que je trouvais sympa et drôle, et que tout le monde aimait bien. Je le prenais pour un admin alors qu’il était simple membre et puis très vite je me suis mis à l’adorer.
23:01:02
Au collège, ça allait un peu mieux, parce que simplement, j’avais des gens à qui je pouvais penser au lieu de m’ennuyer en cours. chez moi, quand ça allait mal, je rentrais dans ma chambre, je cliquais sur l’onglet « OPRPG » et j’échangeais de vie avec une autre personne.
23:01:26
Au bout de 4 mois, j’ai demandé à mon père de rentrer chez lui et je suis parti.
23:03:24
Mais j’ai pas quitté OPRPG. Au contraire, sans ma mère qui vérifiait tout ce que je faisais, j’y passais de plus en plus de temps, les gens commençaient à me connaître et moi je m’amusais franchement. La première personne dont j’ai eu le msn sur ce forum, c’était justement ce type qui avait le pseudo de Silverwolf et qui IRL s’appellait Marc. Je l’adorais. Plus que ça, je l’adulais, j’aimais tout ce qu’il disait, je le trouvais génial, j’avais un énorme complexe d’infériorité et je m’en foutais.
23:04:57
Plus le temps passait, plus je l’adorais, plus je m’attachais à lui, et plus je commençais à me poser de questions sur ce que j’étais vraiment censée ressentir. Finalement, il fallut se rendre à l’évidence, j’étais tombée amoureux. Pour la première fois aussi violemment. Ca me prenait aux tripes, c’était une évidence, j’avais l’impression d’avoir perdu tellement d’années à ne pas le connaitre…
23:06:35
Au fur et à mesure, je devenais complètement dépendant de sa présence et je pensais à lui non-stop. Quand ça allait pas, je pensais à des trucs sympas qu’il m’avait dis ou à notre dernière discussion, et puis, c’était toujours mieux que rien. Je m’en rendais pas compte mais même quand je croyais le contraire, tout allait bien. On ne se rend compte de ce qu’on a que lorsqu’on le perd.
23:08:20
Mais on se disputait de plus en plus souvent et je le vivait mal. Je faisais régulièrement des cauchemars où je rêvais de lui. Je voulais lui en parler, mais j’en avais peur. Je lui en racontais des morceaux, sans lui en laisser voir l’intégralité. Je lui disais avoir rêvé de lui et d’un hôpital, sans préciser que j’étais à l’hôpital parce qu’il m’avait coupé les jambes.
23:09:22
Et puis, il y avait ses foutues choses. Des trucs qui, même s’ils n’existaient pas, je les sentais, je les devinais, je pouvais presque les voir tant je savais tous les détails de leur constitution. J’avais peur de les voir réellement, ça m’aurait tué sur place s’ils avait été réels.
23:10:59
Pourtant, au fil du temps, les choses disparaissaient, et moi je m’attachais à Marc, et pourtant on se disputait sans cesse. Ou alors on avait plus rien à se dire. Je me sentais mal, parce que quelque part, d’une manière ou d’une autre, ça devait être ma faute. Je voulais attirer son attention et en même temps je voulais que tout redevienne comme avant. En fait, je ne savais pas ce que j’attendais de lui, ce que j’attendais de moi, et ça me rendais fou.
23:11:47
Et puis voilà, un jour, on s’est disputé la fois de trop, et le lendemain tu m’as dit qu’il m’avait supprimé. Donc j’allais plus le revoir.
23:12:37
D’abord j’y ai pas cru. Ca pouvait juste pas être réel, ça pouvait pas exister, c’était faux, tout était faux, c’était un de ces cauchemars, c’était une blague, c’était temporaire, tu t’étais trompée de formulation, je ne sais pas.
Ca ne pouvait pas exister.
23:13:04
Et puis je me suis rendu compte que si, parfaitement, et là je me suis demandé si j’allais me suicider ou non.
23:13:25
Finalement je me suis juste coupé le bras. Ensuite j’ai laissé cicatriser autant mon bras que tout le reste deux jours.
23:14:03
Au bout de deux jours j’ai cru que c’était fini, que c’était aussi simple que ça, puis je me suis rendu compte qu’en fait, non, j’étais juste vide, juste vide, il ne restait plus rien.
23:14:37
Marc c’était un peu comme ma raison de vivre, et si ma raison de vivre ne voulait plus me parler, alors il ne restait plus rien, j’étais juste là à exister, juste à exister, inutilement.
Et voilà où nous en sommes aujourd’hui.

wBee. Une abeille.

Ce matin en me réveillant, j’ai pensé que tout était fini. J’étais bien idiot mais j’ai pensé que tout était fini. Comme si ça allait finir un jour. Hier, je suis devenue fou.

Il faut prononcer les mots pour les comprendre, je pense. Prononcer. Il ne m’a pas juste supprimé, tu comprends ? Non, il n’a pas fais que me laisser tomber. Il a tenté de me tuer. Il savais parfaitement que j’en crèverais. J’ai vraiment failli crever, tu sais, Stephen ? Oui. C’est vrai. Dans ma tête il y a un cheval noir. Un cheval noir, et ses yeux n’ont plus de feu… J’ai vraiment cru que le cheval, notre étalon-jouet, Steve, j’ai vraiment cru qu’il avait trouvé. Trouvé. La sortie. Mais il ne sortira pas aujourd’hui. Ecoute bien quand je hurle, Steve, écoute bien quand je crève. C’est beau. Je suis juste mort à l’intérieur. Regarde-moi devenir comme eux, Steve, regarde-moi devenir un fantôme. C’est beau. Les monstres sont de sortie ce soir. Ils vont nous bouffer la cervelle. Ca pue le cadavre, pour eux, ça pue la charogne. Les Grignoteurs de cerveau connaissent l’odeur de l’humain qui meurt. Pourtant tout est parfait, Faust, pourquoi je suis en train de crever ? Je lui avais dit que ça me tuerais. Nous frappons notre vie aux armes de notre âme, et que son état nous enivre. Endorphine, Steve, c’est la drogue du bonheur. Notre bonheur, Stephen, on l’a bouffé tout les deux, comme des cons. Tu es si beau quand tu me dégoûte, si beau… Je te ferais vivre encore un peu. La fin de nos jours se rapproche. Stephen, j’aime quand tu es si laid, si répugnant, j’aime quand je ne te supporte plus, j’aime quand tu me rappelles la candeur de ma rage et la pudeur de mon horreur. Je suis encore comme un enfant, Stephen, tu es un homme qui meurt et à nous deux nous sommes l’adolescent émerveillé. Jamais je ne dirais à personne la vérité. Jamais je ne dirais ça, Steve, mais à toi je te le dis, car tu es mon corps et mon âme, mais vois-tu, il a tenté de nous tuer. Allons-nous le haïr ? Non, Steve, tu as peur et j’aime, mais nous ne sommes pas fait pour détester. Je n’aurais plus jamais confiance. Je n’aurais plus jamais confiance. C’est pour les lâches, la confiance. Ceux qui ne vivent pas. Nous existons, Steve, nous existons ! Mais j’existe plus que toi. Car vois-tu, nous sommes seuls. Seuls contre ce monde. Oui, et nous mourrons tous deux le même soir. Nous mourons tous deux tous les soirs. Nous sommes la cité et la cité nous frappe. La cité nous dévore et la cité nous crache. Déglutit lentement et recommence. On est devenus timbrés ! Rions ensemble, Steve, nous sommes tarés ; personne ne le sais. Stephen, ce matin, j’ai pensé que tout était fini. J’étais bien idiot mais j’ai pensé que tout était fini. Comme s’il n’avait pas essayé de nous tuer. Hier, nous sommes devenus fous. Dans ma tête, il y a un cheval noir, et je n’ai pas de sortie pour lui.

Si on compte : troisième jour

10 : 35

Tout est détruit

J’ai tout détruit.

C’est une minuterie d’auto-destruction qui

Compte compte compte compte compte les minutes…

Et je dois faire quoi maintenant ?

Je fais comment pour continuer ?

Je dois trouver une nouvelle raison de vivre ? Une nouvelle raison de rester ici et d’endurer ? C’est possible, au moins, tout oublier et repartir de zéro ?

Jusqu’ici, tout ce que j’avais vécu, je l’avais vécu pour lui, mais maintenant, je vais vivre pour qui ?

Qu’est-ce que je dois faire ? Comment je dois faire semblant d’exister ? Je dois faire comme si tout était comme avant, c’est ça ? Il y a eu un avant ? Non, je ne crois pas. Avant, ça se résume à Marc et à la possibilité de lui parler. Il n’y a jamais rien eu, avant ça. Et maintenant ? Je fais quoi maintenant ? Dessiner en rouge sur mes bras c’est bien mais ça ne change rien.

Je ne sais plus.

Je ne sais pas.

J’ai jamais su.

Oh, mon dieu, comment je dois faire ?

Faustmann ne répond plus quand je l’appelle de toutes mes forces. Et l’étalon dans ma tête est en train de réussir. J’ai creusé moi-même la brêche qui lui permettra de m’exploser le crâne. Et je dois faire quoi maintenant ? Je dois faire quoi ? Oh, mon dieu, je regrette tellement. Tellement. Je ne dirais plus jamais ce que je pense à personne, je le jure !

Mais toutes ces promesses n’arrangeront rien. Il m’a supprimé définitivement de sa vie et ses pensées et ça veut dire « Tais-toi et crève ». Crever, c’est ce que je voudrais aujourd’hui.

10 : 42

J’espère que ça va s’infecter et qu’on va m’amputer le bras.

J’aurais une excellente raison de hurler.

Reprenons tout depuis le début.

21 : 02

C’est un cheval noir, enfermé dans une chambre blanche. Un cheval noir, et ses yeux n’ont plus de feu. Car il a couru, et couru. Et galopé pour trouver la sortie. Et maintenant il est cassé. Cassé, comme un jouet. Tac-a-tac, tac-a-tac. Essaye toujours, pauvre fou ; un étalon-jouet. Tac-a-tac, tac-a-tac. Tu ne pourras que me fracasser le crâne. Et à travers la vitre sans teint, elle (je) l’observe – juste une petite fille. Tac-a-tac, tac-a-tac, elle va en vomir son âme. Mais elle se redresse : une personne a été là, une personne a été là dont elle se souvient, et elle court, court après son odeur – il n’a pas tenu ses promesses. Elle court, court, comme un pauvre cheval, comme un jouet cassé, et ses yeux brillent de feu, car il a oublié ses promesses. Et nous ne verrons plus jamais le soleil, et nous ne serons plus jamais fous, car nous sommes un cheval. Un cheval noir, et ses yeux n’ont plus de feu…

23 : 39

Aujourd’hui je

Voudrais crier

Lui dire en face.

ARRÊTE DE FAIRE ÇA

ARRÊTE DE FAIRE ÇA

TU VAS ME RENDRE MALADE

MALADE

JE LE SUIS DÉJÀ

ARRÊTE

JE T’EN SUPPLIE

Je ne dirais rien. Rien, comme les autres fois. Il n’est pas de mon ressort de décider de tout ça. Je vais abandonner l’idée même de pouvoir changer les choses. C’est… Je voudrais mourir maintenant… ? Je dormirais. Dormirais toute la nuit, et puis la journée. Et autant que je le pourrais. Juste pour oublier que le temps passe. Juste pour voir un monde plus beau. Juste pour être quelqu’un d’autre. Juste pour voir un lui qui ne me hait pas. Un monde si beau, n’est-ce pas ?

 

00 : 36

Je lui ai tout dit. enfin – « cracher » serait le terme le mieux choisi. Et maintenant, il me déteste encore plus qu’auparavant. Ah ! La belle affaire. Quelle importance ?

Jours sans Noms.

Note : J’ai eu beaucoup de choses à faire ces derniers temps et peu de temps pour écrire sur mon journal. Je met les quelques bouts épars qui ont pût être récoltés.

26 / 06

J’ai encore commis une erreur. Je ne sais pas à quel moment exactement ça a bloqué, mais une chose qui le hais a refus. Il y a une chose qui n’aime pas le bonheur. Une chose qui tient à reprendre son dû. Ça va passer par lui. Je le sais. A un moment ou à un autre, ça va se servir de nous. C’est le piège que ça tend. Ca sait et ça va s’en servir contre moi. Je pense qu’il n’a pas encore compris. Et puis il ne comprendra pas. Ca jubile, parce que ça sait que tant que je ne dirais rien, tant que ça fera durer la loi du silence – je ne peux pas le dire – tout pourra continuer.

Mais c’est peut-être ma faute. Peut-être est-ce moi-même qui le fait. C’est moi qui tiens le revolver sur ma tempe et je ne pourrais pas le baisser. Je dois simplement continuer un antique engrenage d’auto-destruction. Il y a une chose qui va se servir de lui – se servir de nous – et quelqu’un sera détruit. Quand à savoir qui… Le plus fragile, bon dieu, le plus fragile ! FAUSTMANN ! FAIS-MOI SORTIR DE LA !

29 / 06 / 2011

Tout ça n’est qu’une vaste mascarade. Un coup monté. Un jour ou l’autre, le décor tombera. Un jour ou l’autre. « Ne fait confiance à personne ». Mais je t’ai cru – si longtemps. Temps. Temps. Le temps n’existe pas. Plus. Jamais. Jamais plus.  Je te hais.

« Ils sont tous tes ennemis, ne crois aucune de leurs paroles ». Je t’ai cru. Si longtemps. Temps. Plus. N’existe pas. Jamais plus.

Tais-toi et sois là. Là. Où. Je passe. Où je passe. Passe. Passe. Trépasse.

« N’ai confiance en personne. Ils sont tous tes ennemis, ne crois aucune de leurs paroles. »

Mais je t’ai cru, si longtemps.

Tout ça n’est qu’une vaste mascarade. Pas le droit. Jamais. Jamais. Jamais eu le droit. Le droit d’être… Là. où tu passes. Passes. Dépasse. Mais ne trépasse pas. Jamais. Jamais plus.

Allez à la fin. Une image. Deux image. Trois image. Infinité d’images. Jusqu’à ce que le noir se fasse.

« ILS SONT TOUS TES ENNEMIS, NE CROIS AUCUNE DE LEURS PAROLES. »

Mais je t’ai cru.

Si longtemps.

Temps.

Le temps n’existe pas.

Plus.

Jamais plus.

19 : 33

Finalement je ne peux pas te haïr … ?

Finalement

Finalement

Finalement,

Tu me manques.

Nous avons atteint un palier, Faustmann.

Un nouveau lieu de non-retour.

Faustmann, vous vous doutez bien que

Personne ne m’aidera !

Personne !

FAIS-MOI SORTIR DE LA !

Il faudra faire comme eux.

Je devrais faire comme eux. Obligé.

Il n’y a pas d’autre issue, monsieur Faustmann.

Pas d’autre issue.

Je suis enfermé dans le noir du sous-sol avec juste une lampe torche. J’ai l’impression de distinguer entre les échos de goutte d’eau le grincement d’une porte.

Le grincement d’une porte.

Le grincement d’une porte.

Le grincement d’une peur.

La lumière s’allume. Il arrive enfin.

08/07/2011

13 : 37

Rien ! Je ne laisserais rien partir. Rien passer. Rien filer entre mes doigts.

Cette impression…

La perte de cette confiance. Et si je me trompais ?

Et cette seule question ouvre un gouffre sans fond et je perd pied. Vertigo. Vertigo Tour. Mon chéri, veux-tu monter dans la Vertigo Tour ? Je te le promet, le saut sera long.

Il faut reprendre aplomb !